Expertise végétale

Mon travail au CRITT : Amélie, spécialiste des colorants végétaux

C’est l’un des domaines historiques des recherches menées par le CRITT horticole de Rochefort. Au sein du laboratoire dédié aux colorants végétaux, Amélie Braye s’occupe de la fabrication des pigments naturels et des tests de colorimétrie. Ses investigations trouvent ensuite de multiples applications : cosmétique, industrie, textile…

 

L’environnement de travail d’Amélie Braye est un voyage visuel. Partout, des échantillons de laine ou de coton, des nuanciers de bleu, de jaune ou de rouge jalonnent la visite et attirent le regard. Depuis 7 ans maintenant, après un DUT industrie agroalimentaire & biologique suivi d’une licence professionnelle en transformation et valorisation des ressources végétales, cette technicienne de laboratoire analyse le pouvoir colorant des plantes tinctoriales.

 

Extraits ou pigments végétaux

L’extraction est la première étape pour obtenir un colorant. La plante séchée est broyée puis mise dans une solution hydroalcoolique, qui est agitée et chauffée. Les résidus végétaux sont séparés du jus coloré par filtration. « Nous récupérons ce jus pour le concentrer puis le sécher à son tour soit dans une étuve, soit par lyophilisation. On obtient alors un colorant soluble », explique Amélie.

Selon le matériau à teinter, Amélie peut ensuite procéder à la fabrication d’un pigment à partir du colorant soluble. Le colorant est un extrait soluble dans l’eau directement applicable sur un textile par exemple, ou dans un produit cosmétique. Le pigment, quant à lui insoluble, est plutôt utilisé pour teinter une masse de peinture ou de plastique.

 

Les données Lab, carte d’identité de chaque teinte végétale    

Une fois le colorant ou le pigment obtenu, vient enfin le moment de l’application sur le matériau. Cette phase de test est minutieuse car Amélie et ses collègues comparent toutes les données : le pouvoir colorant bien sûr, mais aussi la tenue à différentes « agressions », telles que la lumière, l’eau, le détergeant ou même la sueur, un paramètre important dans l’habillement…

Pour réaliser ces mesures, le CRITT de Rochefort est équipé d’un spectrophotomètre, qui analyse la couleur des extraits solubles sur un spectre de 200 à 800 nanomètres, et d’un spectrocolorimètre. Ce dernier étudie finement la couleur des objets ou fibres teintées ; il constitue une aide indispensable pour Amélie : « Il existe des nuances infimes entre les tests, que l’œil ne peut pas détecter. Le spectrocolorimètre prend des coordonnées L*a*b* de chaque échantillon, c’est très précis » : L pour lumière sur un axe s’échelonnant du noir au blanc, a pour la gamme du vert au rouge, et b pour celle allant du bleu au jaune.

 

Les teintures naturelles s’inscrivent dans une démarche écoresponsable

Spécialisée dans les essais textiles, Amélie reconnait qu’elle « apprécie particulièrement ces matières parce que chaque fibre réagit différemment, et l’on peut mélanger tous les colorants pour obtenir la nuance souhaitée. Les fabricants qui veulent développer des gammes de couleurs spécifiques nous apportent leurs textiles. Sinon, nous disposons ici d’un stock de matières premières pour effectuer les tests. Dans la mesure où les colorants végétaux reviennent plus chers que les colorants synthétiques, ce sont en général des marques engagées dans une démarche écoresponsable, qui désirent utiliser des teintures naturelles pour des petites collections, plutôt haut de gamme. »

Si le coton et le lin sont les matières premières qu’Amélie manipule le plus fréquemment, il lui arrive de teindre également de la soie, de la laine ou des fibres à base de cellulose. Dans cette dernière catégorie, elle a travaillé sur du Tencel, un tissu obtenu à partir de fibres de bambous. Encore plus insolite, Amélie se souvient de tests colorants effectués sur… de la pâte à papier ! « C’est une structure cellulosique, donc j’ai appliqué le même protocole que pour le textile », précise-t-elle. Après le bambou, peut-être verra-t-elle arriver bientôt d’autres espèces d’arbres dont les fibres donneront des tissus à teinter avec des pigments naturels ?